DISPARITION - Le légendaire créateur au nœud papillon qui avait ranimé la vénérable maison de couture Lanvin au début des années 2000, est décédé des suites du Covid-19, samedi 24 avril.
Alber Elbaz, le légendaire directeur artistique au nœud papillon qui avait su réveiller la maison Lanvin à partir de 2001, est mort du Covid-19 ce samedi 24 avril, à l'âge de 59 ans, a confirmé le groupe Richemont, avec lequel il s'était associé l'an dernier pour lancer sa propre griffe, AZ Factory. En janvier, après cinq ans d'absence, il avait opéré son grand retour, révélant la première collection de sa nouvelle aventure, qu'il définissait lui-même comme « une mode intelligente qui se soucie des autres.»
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«J'ai perdu non seulement un collègue, mais aussi un ami bien-aimé, a déclaré le fondateur et président de Richemont, Johann Rupert, dans un communiqué, exprimant son choc et sa tristesse face au décès soudain d'Elbaz. Alber avait la réputation bien méritée d'être l'une des personnalités les plus brillantes et les plus appréciées du secteur. J'ai toujours été séduit par son intelligence, sa sensibilité, sa générosité et sa créativité débridée. C'était un homme d'une chaleur et d'un talent exceptionnels, et sa vision singulière, son sens de la beauté et son empathie laissent une impression indélébile.»
Alber Elbaz naît en 1961 à Casablanca, au Maroc, puis grandit à Tel-Aviv, où ses parents s'installent alors qu'il est encore bébé. Il commence très jeune à dessiner des robes, et entre en 1982 au Shenkar College, l'école de mode et de textile de la ville. Après son service militaire, il s'envole pour New York où il entre chez le couturier Geoffrey Beene, dont il devient le bras droit. En 1996, il est choisi pour reprendre la direction artistique de Guy Laroche à Paris. Là-bas, il brille. En novembre 1998, Pierre Bergé l'appelle : il prend la tête du prêt-à-porter féminin d'Yves Saint Laurent Rive Gauche, où il passe trois saisons, avant le rachat de la maison par Kering et la nomination de Tom Ford.
Il prend alors une année sabbatique, avant de devenir, en 2001, le directeur artistique de Lanvin. Il fait entrer la maison dans une nouvelle dimension, mettant en avant une silhouette féminine, où la robe cocktail prédomine. Attirées par le chic séduisant des créations d'Elbaz, une nouvelle génération de clientes pousse la porte de la fameuse maison du faubourg Saint-Honoré. Obsédé par la féminité, le confort, et le désir, il habillera les célébrités, de Meryl Streep, pour la réception d'un Oscar en 2012, à Nicole Kidman, Gwyneth Paltrow et Catherine Deneuve.
Ma mère me disait : « Sois petit et grand ; grand dans ton travail mais petit dans ta vie, sois simple, sois humble. »
Alber Elbaz
Le succès de ses créations et sa personnalité exubérante et attachante font de lui une star de la mode. «Ma mère me disait : 'Sois petit et grand ; grand dans ton travail mais petit dans ta vie, sois simple, sois humble.'», disait-il. En 2008, Le Figaro écrivait déjà à son sujet: « Elbaz fonctionne à l'humain, à l'empathie, au contact. Lui dit qu'il aime les gens, qu'il n'aime que ça, qu'il ne collectionne rien si ce n'est les lettres qu'on lui adresse. Son monde ignore les textos et l'ordinateur. Sur ses joues rondes, il splashe un parfum sucré, un mélange oriental et musqué, ultrasensuel, un élixir qui rend fou, qui vous colle à la peau après que vous l'avez embrassé. Façon comme une autre de laisser une trace de lui, un sillage qui s'accroche aux autres.» Avant son départ de Lanvin, en 2015, il fait entrer la maison dans la pop culture, dessinant des timbres pour La Poste française, rhabillant Minnie pour le 20e anniversaire de Disneyland Paris.
Après son départ et avant son partenariat avec Richemont, il multiplie les collaborations, avec Tod's, Converse, Lancôme et Frédéric Malle notamment. Puis fait son retour, avec AZ Factory, où il proposait en janvier la première collection de sa version de la couture, aux formes près du corps et à la silhouette résolument « fun», tournée vers les nouvelles technologies. «Je me suis beaucoup interrogé sur la question de l'âge, disait-il au Figaro en janvier, à l'occasion de son retour. Je ne me retrouvais pas dans ce monde où le designer doit avoir 16 ans et le CEO, 22 ans maximum : fais-je encore partie de cette histoire ?» L'industrie avait applaudi ce retour, montrant qu'il avait encore toute sa place dans un paysage auquel il avait manqué durant son absence. Lui, de son côté, ne manquait pas de jeter un regard lucide sur le monde et l'époque. « On vit dans un monde qui génère trop de solitude et trop d'agressivité. Un monde qui a trop de « likes » et pas assez de « love », estimait-il. C'est le moment, je crois, de s'autoriser à être soi-même et à s'aimer.»
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