
Noël Le Graët a rendez-vous, mercredi 11 janvier, à 11 heures, au siège de la Fédération française de football (FFF) qu’il préside. A l’ordre du jour, un comité exécutif extraordinaire au cours duquel il sera sommé de s’expliquer après ses propos sur Zinédine Zidane et des accusations de harcèlement sexuel.
« Je n’en ai rien à secouer, il peut aller où il veut », avait affirmé, dimanche 8 janvier, le dirigeant de 81 ans, questionné sur l’avenir de Zinédine Zidane, qu’il n’aurait « même pas pris au téléphone » si celui-ci s’était montré intéressé par le poste de sélectionneur des Bleus.
Face à la polémique, l’ancien maire de Guingamp (Côtes-d’Armor) s’est excusé dès le lendemain dans un communiqué. Mardi, les accusations publiques d’une agente de joueur, Sonia Souid, quant à une série pressante et tendancieuse d’appels, de messages et d’invitations à dîner de la part de Noël Le Graët, entre 2013 et 2017, sont venues allonger la liste des griefs accablant le président de la « 3F ».
Avant même ces dernières révélations, la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, a commencé, lundi, une conférence de presse par une violente charge contre le président de la FFF au sujet de ses propos sur Zinédine Zidane, mais pas seulement.
« Il nous a habitués à ces sorties de route. Je pense qu’on a tous en tête ce qui a été dit ces dernières années, des paroles qui minimisaient les risques, parfois la prégnance des phénomènes de racisme et d’homophobie dans le football, qui ont pu choquer des communautés », a rappelé la ministre. Cette dernière a souligné que le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, avait été « déçu » et « heurté » par les derniers propos tenus par « NLG ».
Le comité exécutif de la FFF, seul à pouvoir arbitrer
Pour autant, dans son discours, la ministre s’est bien gardée d’appeler à sa démission, pour une raison simple. Le pouvoir politique n’a pas la possibilité de destituer le président d’une fédération sportive, comme le rappelle l’article L. 131-1 du code du sport : « Les fédérations sportives ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou de plusieurs disciplines sportives. Elles exercent leur activité en toute indépendance. »
C’est la raison pour laquelle, dans une autre fédération, celle de rugby (FFR), la ministre des sports a posé ses conditions au maintien de Bernard Laporte à la présidence après sa condamnation pour « corruption passive », « trafic d’influence » et « prise illégale d’intérêts », sans obtenir sa démission.
Une ingérence du ministère au sein de la FFF provoquerait par ailleurs l’ire de la Fédération internationale de football (FIFA), qui prohibe toute intervention étatique. « Si on imagine que la ministre française des sports écarte le président de la FFF, [la France] pourrait se voir interdire de participer à la prochaine Coupe du monde. Si elle était amenée à écarter le président de la Fédération française de rugby, le pays pourrait se voir retirer l’organisation du Mondial prévu en 2023 », explique au Monde Mickaël Terrien, professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (Idheap) de l’université de Lausanne (Suisse).
Les statuts de la FFF sont par ailleurs très clairs ; une procédure de révocation ne peut être lancée que par un vote de son assemblée fédérale. Lors de sa conférence de presse, lundi, la ministre avait enjoint au comité exécutif de se réunir pour « prendre la mesure » de la « faillite » du président de la fédération dans son rôle de « représentation ».
Pas d’autre pouvoir que celui de la pression
Face à une fédération qui dysfonctionne, le pouvoir politique a principalement le pouvoir de faire pression. Pour ce qui concerne la FFF, l’action d’Amélie Oudéa-Castéra a commencé bien avant les déclarations sur Zinédine Zidane. Le ministère des sports avait décidé, le 16 septembre 2022, d’engager une mission d’audit et de contrôle au sein de la FFF après la publication par le magazine So Foot d’une enquête révélant de nombreux dysfonctionnements en son sein, à commencer par l’envoi (selon des témoignages anonymes) de SMS à caractère sexuel à des employées par Noël Le Graët.
Le ministère des sports dispose d’autres moyens d’agir. Il peut retirer à une fédération son agrément, lui ôtant « son existence légale », souligne Jean-Loup Chappelet, ancien cadre du Comité international olympique et professeur honoraire de management public à l’Idheap de l’université de Lausanne. Dans la pratique, une fédération qui ne serait plus reconnue par l’Etat ne toucherait plus aucune subvention publique et devrait se passer de ses cadres techniques. « C’est un peu comme une bombe atomique, même si on l’a, on ne souhaite pas vraiment l’utiliser », précise M. Chappelet.
Par deux fois, pourtant, le ministère a eu recours à cette arme ultime, sur de plus petites fédérations que les deux mastodontes que sont la FFF et la FFR, il est vrai. En 1998, au terme de plus de cinq ans de crise financière et structurelle à la Fédération française d’haltérophilie, Marie-George Buffet, alors ministre de la jeunesse et des sports, avait signifié à Bernard Garcia, son président, que l’agrément ministériel lui était retiré. Ainsi disparaissait l’une des plus vieilles fédérations sportives françaises, créée en 1914. En 2005, le ministère des sports avait retiré son agrément à la Fédération française d’équitation, coupable quant à elle de ne pas s’être dotée de statuts et d’un règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage.
Le mandat de Noël Le Graët court jusqu’en 2024
Plus récemment, en 2020, la ministre des sports d’alors, Roxana Maracineanu, avait demandé le départ du président de la Fédération des sports sur glace, Didier Gailhaguet, alors que l’instance était touchée par un scandale de violences sexuelles. Le « parrain » du patinage avait été contraint à la démission.
« Quand le ministère dit vouloir écarter Didier Gailhaguet, il est poussé vers la sortie par l’instance parce que le modèle économique de cette petite fédération dépend des subventions directes et indirectes de l’Etat, comme la mise à disposition des conseillers techniques sportifs [fonctionnaires], qui sont vitaux pour l’organisation de cette fédération, explique Mickaël Terrien. Pour la FFF et la FFR, les subventions directes ne représentent pas grand-chose, elles ont les moyens financiers, à travers les droits télévisuels et les revenus tirés des ventes de billets notamment, de fonctionner sans le ministère. »
Un éventuel départ de Noël Le Graët, élu jusqu’en 2024, ne pourrait donc venir que de lui-même ou de son comité exécutif, dont la grande majorité des membres est issue de la liste qu’il a présentée en 2021 lors de sa dernière réélection. En cas de démission de « NLG », le vice-président de la FFF, Philippe Diallo, proche de Florence Hardouin, directrice générale de la FFF en froid avec son supérieur, deviendrait le président intérimaire avant la désignation d’un candidat au sein du comité exécutif.
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