Les Jeux Olympiques et les prix des places, leur sécurité et les objectifs de médailles, le sport et l’homophobie, le sport féminin et sa plus grande médiatisation, le financement des clubs et l’engagement des bénévoles… Jeudi 18 mai, au matin, nos lecteurs avaient des dizaines de questions à poser à la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra. Ils sont repartis avec des réponses et une tonalité assumée, le courage de traiter les dossiers les plus épineux, efficacement et sans démagogie. Message reçu cinq sur cinq et salué.
La place du sport en France
Quelle est la place du sport dans la société française et va-t-elle évoluer à l’issue des Jeux Olympiques de Paris 2024 ? La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a avoué que la France commence "à rattraper un retard structurel". Un retard qui explique aussi certainement la hausse du niveau de sédentarité, notamment chez les enfants, dans l’Hexagone. "Cela coûte 17 milliards d’euros chaque année à l’État, précise-t-elle. Et crée une véritable bombe à retardement sanitaire pour toute une génération."
Pourtant, paradoxe, le budget du ministère des Sports n’a jamais été aussi élevé.
Au-dessus du milliard d’euros, "le président de la République a doublé le budget du sport par rapport à 2017, rappelle AOC. D’ailleurs il nous dit souvent “on est une nation avec de bons sportifs, on doit devenir une nation sportive”."
Interrogée sur les objectifs de médailles, la ministre a tempéré les annonces de sa prédécesseure Laura Flessel, qui avait, en 2017, tablé sur 80 médailles : "Le point important c’est d’être dans le Top 5 des pays médaillés, sans forcément viser 80. Autour de 50-60 pour les Jeux Olympiques et 60-70 pour les Paralympiques serait bien." La place du sport à l’école a aussi été évoquée par Oudéa-Castéra qui regrette "qu’aujourd’hui, dans notre pays, trop de gamins passionnés sont obligés soit de renoncer à leur passion pour un sport, soit d’arrêter leurs études, soit de partir aux États-Unis pour concilier les deux."
Les athlètes russes
Y aura-t-il des athlètes russes à Paris en 2024 ? Interrogée longuement sur le sujet, Amélie Oudéa-Castéra a voulu clarifier la position du gouvernement, "tout sauf fluctuante". "Elle est claire et totalement constante" : soutien résolu et inconditionnel à l’Ukraine, victime d’une "guerre d’agression aussi injustifiée qu’injustifiable", avec au passage le déblocage d’un million d’euros pour aider les athlètes ukrainiens à se préparer.
A contrario, pas question de pactiser avec le diable. "Ça veut dire pas de compétitions en Russie, pas d’officiels russes invités… et des athlètes russes triés sur le volet, comme lors des récents Championnats du monde de judo." "Dans la charte des Nations Unies, il y a un principe de non-discrimination des athlètes selon leur passeport. Nous, la patrie des droits de l’Homme, on ne peut pas aller contre ça. Mais que peut-on faire ?"
La ministre prône un régime de participation, sous bannière neutre, sans drapeau, sans hymne, et l’assurance qu’il n’y a pas un militaire ou un pro-Poutine qui se cache derrière les prétendants à la sélection. Le CIO (Comité international olympique), qui prendra la décision finale, doit assurer la transparence. "Aux politiques, en revanche, de faire passer la pilule auprès des Ukrainiens qui refusent, pour le moment, de partager les stades avec ces athlètes “neutres”.
" On a un dialogue continu avec les Ukrainiens. Le président Macron s’est entretenu sur le sujet avec Volodymyr Zelensky", assure Amélie Oudéa-Castéra. Et la discussion n’est pas finie. Loin de là.
La billetterie des JO
Sans surprise, le prix des billets pour assister aux Jeux Olympiques en France a soulevé de nombreuses questions. Des JO populaires ? Mon œil, répondent en chœur nos lecteurs. Amélie Oudéa-Castéra fait front et rappelle l’engagement de l’État en la matière.
"Des Jeux populaires, ce sont des Jeux qui suscitent l’engouement dans tous les territoires, explique la ministre des Sports. Ce sera le cas avec des épreuves dans 11 départements et sept régions. Il y aura aussi les fans zones avec des écrans géants pour partager le spectacle.Des Jeux populaires, ce sont des Jeux accessibles à notre jeunesse, poursuit-elle. Nous avons mis en place une billetterie qui va bénéficier à 260 000 jeunes gratuitement. 200 000 scolaires et 60 000 étudiants ou jeunes au parcours associatif et citoyen remarquable. Près de 20 000 personnes en situation de handicap et leurs aidants bénéficieront également de cette mesure. 100 000 places seront enfin distribuées aux bénévoles du monde sportif."
Première mise au point. Concernant les tarifs, le discours est bien rodé. "Sur les 8 millions de billets mis en vente par le comité d’organisation (Cojo), un million seront vendus à 24 euros dans tous les sports. Et la moitié de ces 8 millions sont à 50 euros ou moins. Seuls 10 % des billets sont au-dessus de 200 euros", détaille-t-elle. Quand on lui fait remarquer que ça peut ensuite monter haut, très haut, Amélie Oudéa-Castéra invite à la comparaison. "Oui, il y a des places chères et parfois très chères. Est-ce qu’elles sont plus chères que lors des précédentes éditions ? Je dis non. Si l’on tient compte de l’inflation, elles sont même moins chères qu’à Londres par exemple (2012)."
La ministre des Sports insiste enfin sur l’impérieuse nécessité d’équilibrer les comptes. "On ne peut pas avoir tout et son contraire. On veut des beaux Jeux, bien organisés, en être fiers, qu’ils ne pèsent pas trop sur le contribuable, qu’il n’y ait pas d’impôt JO… Alors il faut des recettes privées importantes. La billetterie, c’est un tiers des ressources du Cojo. Si certains sont prêts à payer très cher pour voir les plus grands athlètes du monde, j’ai envie de dire tant mieux. C’est leur rêve, ils attendent ça depuis longtemps, ça n’arrive qu’un fois par siècle en France… C’est aussi ce qui nous permet d’avoir une entrée de gammes à 24 euros."
Le sport féminin
La place des femmes dans le sport a été au cœur des discussions, jeudi matin, entre les lecteurs de Midi Libre et Amélie Oudéa-Castéra. La ministre des Sports a notamment rappelé l’engagement de l’État pour la parité dans les instances dirigeantes : "A l’échelon national en 2024, au niveau des ligues en 2028, avec l’arrivée de 4 000 femmes."
À l’heure où les droits de la Coupe du monde de football féminin sont toujours en discussion, à un mois seulement du coup d’envoi de l’événement, il a aussi été question du petit écran. "Quand les Français voient du sport féminin à la TV, ils en redemandent. Il faut maintenant réussir à bousculer les diffuseurs. Ils se sont engagés auprès de moi à donner davantage de chances à l’écran au sport pro féminin. En faisant ça, ça devrait tirer toute une équation plus vertueuse. Avec une Ligue pro qui se crée et qui embarque tout un éco système, des centres de formation aux salaires des joueuses, jusqu’au niveau de féminisation des encadrants (1/3 des éducateurs sportifs sont des femmes en France). On tire toute la chaîne."
La ministre entend aussi influer sur le nerf de la guerre : l’argent. "Il faut que le sport féminin soit mieux financé, qu’il permette la maternité notamment. Les entreprises et les sponsors doivent aussi s’engager. Vous vous gargarisez de l’égalité homme-femme, sponsorisez donc le sport féminin, joignez la décision à la parole. Elles seront vos plus belles ambassadrices, elles sont formidables nos athlètes, elles expriment des émotions…"
La sécurité aux JO
"On a l’impératif de faire en sorte que ça n’arrive plus jamais." Les images de supporters gazés ou restés coincés aux grilles sont encore dans toutes les têtes. Le 28 mai 2022, la finale de la Ligue des champions de football entre Liverpool et le Real Madrid avait débouché sur une série d’incidents aux Stade de France. "Un épisode douloureux pour nous tous", affirme Amélie Oudéa-Castéra, marqué par de nombreux dysfonctionnements des autorités.
Ce “fiasco” a jeté le flou sur la capacité de la France à organiser des grands événements et à en assurer la sécurité. Ce point est justement "une question capitale" des prochains JO, estime la ministre des Sports. "C’est une de mes priorités avec le ministre de l’Intérieur qui est extrêmement mobilisé sur ces Jeux", assure-t-elle. "Mais on doit s’assurer qu’on a tiré toutes les leçons. Et oui, on a tiré toutes les leçons."
À quatorze mois des JO, la ministre en veut pour preuve un ensemble de mesures : "Forces de l’ordre en nombre suffisant", "gestion des flux" et "signalétique" plus claire, mais aussi "billetterie dématérialisée, infalsifiable et nominative" pour contrer la fraude.
La cérémonie d’ouverture, "un moment de grande sécurité"
Amélie Oudéa-Castéra appuie également sur la question de la "sécurité privée". "Il avait manqué des stadiers au Stade de France. Ils n’étaient pas suffisamment bien formés. À la fin, il y avait des abandons de poste lorsque le grabuge a commencé. Ce n’est pas possible", note-t-elle. "Par milliers, on est en train de former (des agents privés)".
Quant à la délinquance aux abords des enceintes, "c’est l’autre grande leçon: on n’avait pas du tout préparé le terrain et aujourd’hui des opérations sont menées sur tous les sites de compétition un peu chauds."
Depuis, "il y a quand même eu toute une série d’événements qui se sont formidablement bien passés", rappelle la ministre. La dernière finale de Coupe de France, toujours au Stade de France, avec l’installation de grilles à piques, a toutefois suscité la polémique. "Il y a eu beaucoup de peur, d’appréhension. C’est normal. Il y a eu beaucoup d’accompagnement qui a été fait, avec beaucoup de personnel de sécurité devant ces grilles pour prévenir tout syndrome de panique ou d’écrasement."
Reste la question d’une cérémonie d’ouverture exposée, en plein cœur de Paris. "On veut qu’elle soit un moment de grande sécurité pour les Français. C’est un défi, on s’est mis la barre haut mais nos efforts sont à la mesure." "On sera prêt le 26 juillet 2024", martèle Amélie Oudéa-Castéra.
Sport et société
Les derniers jours ont charrié leur lot de polémiques dans le monde du sport. Dans l’œil du cyclone, le refus de sept joueurs de participer à la journée de Ligue 1 et Ligue 2 placée sous le signe de la lutte contre l’homophobie. De quoi questionner la pertinence des actions menées.
"Est-ce qu’il faut faire plus et mieux ? Oui, a répondu la ministre. Dans les dernières décennies, le foot ne s’est pas assez engagé dans cette lutte contre les discriminations. La campagne qui a été menée par la LFP pour la cinquième année consécutive est très positive."
"Ça n’a rien à voir avec des sujets de religion, ou des sujets d’équité sportive comme on a pu l’entendre de manière un peu maladroite dans la bouche d’un ou deux coaches, c’est juste un sujet de vivre ensemble, tacle Amélie Oudéa-Castéra, référence non voilée aux déclarations de l’entraîneur de Brest, Éric Roy. C’est le pacte républicain qui nous dit quoi ? Liberté, Égalité, Fraternité. […] Vous êtes un être humain comme moi, nous avons les mêmes droits, nous sommes égaux."
"Plus de 900 signalements" de violence depuis février 2020
Comment, donc, inverser la courbe d’une contestation encore minoritaire mais grandissante ? “AOC” détaille un "plan d’action" : "Mieux montrer ces phénomènes de discrimination/violences, sanctionner ces actes discriminatoires et promouvoir des évènements sportifs hyperinclusifs".
Le sport semble en outre devoir lutter avec des phénomènes de radicalisation, qu’ils soient religieux ou politiques. "Le sport, comme notre société, est exposé aux dangers du séparatisme. Il faut qu’on soit là-dessus incroyablement vigilant", incite la ministre, rappelant un ensemble d’armes instaurées à l’été 2021 et visant à lutter contre "le financement occulte" ou les "attitudes prosélytes".
Autre sujet sensible et d’actualité, celui des violences, remis sur la table par les témoignages de gymnastes, dimanche dernier dans Stade 2. Depuis février 2020, une plateforme dédiée au signalement des abus physiques ou psychologiques est accessible (1). "Un dispositif essentiel", qui a déjà abouti sur "plus de 900 signalements". Pour la ministre, l’origine est multiple mais "il y a un travail sur la culture de la performance essentiel à mener dans notre pays. On dit “de la sueur, du sang et des larmes”. […] Mais ce n’est pas comme ça qu’on aide un athlète. […] Pour aller au bout de son effort physique il faut que son corps et son âme aillent bien. De la sueur, du sens et de l’âme." Et tout un logiciel à réinventer chez certains.
(1) signal-sports@sports.gouv.fr
Le CNOSF à l'amende
Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) est en crise. Denis Massiglia, l’ancien président, vient de porter plainte contre X devant le Parquet national financier pour abus de bien social. Au passage, il a demandé la tête de Brigitte Henriques, celle qui lui a succédé. C’est dans ce contexte que doit se tenir l’assemblée générale du CNOSF, le 25 mai prochain.
Pour la ministre des Sports, la "situation n’est pas tenable". C’est ce qu’elle a dit et répété aux lecteurs de Midi Libre, jeudi matin : "J’ai adressé un message très ferme à tout le monde. Ça ne saurait continuer ainsi. Il faut remettre cette maison en ordre. Parce que l’image qui est donnée, a fortiori devant le monde entier à 14 mois des JO avec une quantité de choses encore à sécuriser, c’est juste pas possible. Il y a une échéance importante de la vie démocratique du CNOSF (AG). C’est un moment qui pour moi doit marquer la fin définitive de ces querelles qui sont ridicules et une source d’éloignement des vrais sujets qui doivent mobiliser 100 % de l’attention et de l’énergie de toutes nos équipes aujourd’hui. À savoir la performance de nos athlètes et la qualité d’organisation."
Dans la foulée de cette mise en garde, d’autres oreilles ont sifflé. Après avoir coupé la tête des présidents des fédérations de rugby et football – "tout en gardant un cordon sanitaire pour protéger les équipes" –, Amélie Oudéa-Castéra reconnaît des soucis de gouvernance dans d’autres “fédés”. "Il y a encore des sujets. Il faudra encore prendre des décisions dans les prochains mois. J’espère qu’elles ne seront pas de la même magnitude".
Dans le collimateur, les sports de glace." À la FFSG, on va devoir prendre le taureau par les cornes et faire ce qui doit être fait".
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