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L'Eden-Roc, Hollywood sur mer Paris Match - Paris Match

Depuis sa création, en 1870, l’hôtel du cap d’Antibes célèbre le luxe avec émotion et discrétion. Le visiteur doit s’y sentir « comme à la maison ». Et peut-être mieux… Un livre nous raconte 150 ans de dolce vita : « Hôtel du Cap-Eden-Roc. La légende éternelle de la Riviera », par Alexandra Campbell (éd. Flammarion). Plongée dans les coulisses d’un palace mythique. 

Pour ses soirées, parmi les plus sélectes du monde, les pique-assiettes redoublent d’inventivité. Quitte à mouiller la chemise – parfois littéralement. Philippe Perd, le P-DG de l’hôtel, révèle la plus folle des tentatives : « Un homme, sorti de l’eau, coupe de champagne à la main et smoking trempé. Il prétendait être un invité, ivre, tombé dans la Méditerranée… »

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Michel Babin de Lignac, le chef portier du pavillon Eden-Roc, l’assure : tout est fait pour garantir la sécurité et l’intimité des clients et des convives prestigieux… mais il faut s’habituer à ces scènes dignes de Hollywood. En quarante-six ans de service, il est devenu le gardien de la magie et de la mémoire des lieux. Dans ce refuge niché au milieu des oliviers, des lauriers roses et des pins centenaires, ses souvenirs font ressurgir des figures mythiques.

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Près de l’entrée, il se rappelle avoir porté Jill Ireland, la jambe immobilisée par un plâtre, pour la poser délicatement dans une Cadillac noire. Son mari, Charles Bronson, mutique comme au cinéma, le remercie d’un signe de tête avant de filer vers Cannes. Il y a aussi « Burt Lancaster qui se caresse la moustache devant le défilé des limousines, Lauren Bacall se prenant pour “La femme modèle” [héroïne d’un film de Vincente Minnelli en 1957] et ce cher Tennessee Williams tenant dans ses bras deux magnifiques carlins qui bavent jusque sur ses jambes ».

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Près du rivage, dans l’une des trente-trois « cabanes », ces cabines privées et prisées entre le jardin luxuriant et les rochers, un peintre qui, dans les années 1970, débarque chaque été avec une ancienne DS de l’Elysée et s’installe face à son chevalet. L’équipe est prévenue : pour lui adresser la parole, il faut l’appeler « maître » et passer par sa femme, Vava, qui joue les gendarmes. Pas question qu’il signe la moindre addition ! Son nom vaut de l’or. Au chef portier capable d’aller lui chercher des médicaments dans la nuit, l’artiste russe accorde du bout des doigts la faveur d’un autographe : « Marc Chagall, 1979. » Il rejoindra les dessins de Tony Curtis et Pierce Brosnan, toute une collection où se multiplient les témoignages d’amitié. Michel Babin de Lignac y voit la preuve que sa mission a été menée à bien : grâce à une philosophie souriante et ensoleillée de l’accueil simple, le client s’est senti chez lui. « Je leur dis : “Si vous avez une minute, je vous ferai visiter le jardin et le parc. Et je vous raconterai l’histoire de cette maison…” »

Dans les années 1930, la cote de cet hôtel qui inspire à Francis Scott Fitzgerald le décor de « Tendre est la nuit » s’envole

Dans ce coin où le mistral chasse les nuages, tout commence avec le rêve d’un homme, en 1865, de redonner du souffle à de grands esprits en mal d’inspiration. Hippolyte de Villemessant, le patron du « Figaro », qui veut éloigner les artistes et les écrivains de Paris, ce « fracasseur et fricasseur des cervelles », imagine sur un promontoire du cap d’Antibes une demeure pour les surmenés de la création. La première pierre de ce qui deviendra le Grand Hôtel du Cap est posée par un curé local ; l’avenir est confié aux mains de Marie. Mais que peut la Vierge contre la folie des hommes ? A peine lancée, l’aventure s’arrête : la guerre contre la Prusse éclate, le typhus et la variole déciment Antibes ; une longue crise économique commence. L’édifice, avec ses ailes symétriques qui encadrent l’entrée et son immense escalier qui se prolonge en allée chutant vers la mer, devait être une retraite idéale à l’abri des bruits du monde. Il sera le témoin et le théâtre de ses palpitations. Le livre qui célèbre ses 150 ans retrace cette existence dans les plis de l’Histoire.

Alors que le littoral, de Marseille à Gênes, devient la « Côte d’Azur », un Piémontais du nom d’Antoine Sella reprend les rênes de l’établissement, avec un mot d’ordre : discrétion et élégance. Une annexe est rajoutée en 1914 : un pavillon au bord de l’eau, un bassin creusé dans le basalte du cap d’Antibes… Mais les clients désertent le lieu, qui servira de maison de convalescence aux infirmières de la Croix-Rouge américaine. Elles l’appellent « le paradis ». Ce sera le pavillon Eden-Roc, au nom bien mérité. Les années 1920 défilent à toute allure : avec ces Américains qui aiment le jazz, les cocktails et les bolides. Dans les années 1930, la cote de cet hôtel qui inspire à Francis Scott Fitzgerald le décor de « Tendre est la nuit » s’envole. Les hommes politiques se mêlent aux stars de cinéma. Le clan Kennedy débarque au complet en 1939. Alors que John et ses frères jouent avec le harpon que leur a offert Roosevelt, Joe père attire dans ses filets Marlene Dietrich, déjà venue avec son mari et son amant. Cette année-là, l’été s’arrête un 23 août. Les Kennedy font leurs valises. L’établissement sera occupé par les Allemands et bombardé lors du Débarquement. Mais il tient bon jusqu’au retour des heures de gloire : les chambres ont été réservées des mois avant la fin de la guerre. Et quand se déroule le premier Festival de Cannes, en 1946, il est déjà redevenu la star des hôtels.

"Pour Robert De Niro, on transforme une suite en salle de fitness privée. On fait sortir Madonna, qui veut courir aux aurores, à l’arrière d’une voiture, dissimulée sous une serviette"

Le secret de l’enchantement tient dans une alchimie entre la splendeur des lieux et la qualité d’un service qui confine au sacerdoce. Le dévouement du personnel est tel qu’un simple déjeuner au bord de l’eau peut prendre des proportions épiques… Comme ce jour où un hélicoptère est chargé de rapporter de Saint-Tropez le dessert d’un richissime client. Voilà comment naît la légende… Depuis son arrivée en 2005, Philippe Perd dirige ses équipes à la manière d’un metteur en scène. Le décor : 54 chambres, 60 suites, 3 villas privées, 3 restaurants, 6 bars, 5 courts de tennis, la piscine et les « cabanes », véritable club dans le club… Le public : des accros qui n’hésitent pas à débourser jusqu’à 10 500 euros pour une nuit. Le spectacle est de choix : « Tous les jours, tels des acteurs, on joue une pièce différente. Ce qui crée une expérience et un lien émotionnel si particulier avec notre clientèle. Pour elle, nous prenons énormément de plaisir à interpréter un scénario extraordinaire. »

Il faut imaginer, entre mai et septembre, un ballet de 580 employés qui s’affairent pour que leurs 250 clients se sentent « à la maison ». Les chambres sont préparées à l’identique d’une année sur l’autre grâce au Cardex, des « fiches d’identité » qui renferment les rituels des visiteurs, leurs exigences et leurs extravagances. « On essaie de ne jamais dire non », sourit Philippe Perd. Des habitués demandent jusqu’à 30 draps de bain. Pour Robert De Niro, on transforme une suite en salle de fitness privée. On fait sortir Madonna, qui veut courir aux aurores, à l’arrière d’une voiture, dissimulée sous une serviette, alors que d’autres véhicules assurent la diversion… Au restaurant, le chef exécutif Arnaud Poëtte, engagé en 1983, se souvient du client qui avait exigé de déguster des abats pendant tout son séjour. Il refusera de lui servir une tête de veau entière en salle. Pour les 85 employés au service des 6 cuisines, l’excellence ne rime pas avec obséquiosité ni snobisme : faire plaisir est le premier des commandements. Cela explique l’incroyable fidélité des clients. « Certains réservent chaque été depuis plus de cinquante ans, dit Philippe Perd. Pour leur rendre hommage, nous avons décidé de planter un pin dans le parc avec une plaque où sont gravées la date et leurs initiales. En deux ans, quatre pins ont été plantés ! »

A l’Eden-Roc, il n’y a pas que les clients qui sont fidèles : le taux de loyauté du personnel peut atteindre les 80 %

Dans ce palace qui appartient depuis 1969 au Groupe Oetker, une entreprise allemande spécialisée entre autres dans l’alimentation, le vin et l’hôtellerie de luxe, on cultive l’esprit de famille. La direction a demandé aux habitués leur feu vert pour abolir le port obligatoire de la cravate et de la veste au dîner. Il a aussi fallu revenir à l’un des symboles de leurs étés : le buffet. « En 2007, nous avons essayé de le supprimer… Quinze jours plus tard, il était de retour. » Au LouRoc, le restaurant gastronomique, l’une des fiertés de Philippe Perd est d’avoir fait appel, en concertation avec Arnaud Poëtte, à Eric Frechon. Le chef triplement étoilé du Bristol – un autre joyau de l’Oetker Collection, ces onze hôtels d’exception gérés par le groupe – les a aidés à revoir le menu. Arnaud Poëtte se réjouit : « Nous avons été récompensés, dès la première année, par une étoile Michelin. »

A l’Eden-Roc, il n’y a pas que les clients qui sont fidèles : le taux de loyauté du personnel peut atteindre les 80 %. Chaque année, les équipes savent qu’elles vont vivre ce Festival de Cannes qui fait du livre d’or le plus beau générique du XXIe siècle. « C’est la période la plus fun de la saison », s’amuse Philippe Perd. La plus éprouvante, aussi. Le gala de l’AmfAR, l’événement le plus glamour de la quinzaine avec ses mille invités, se prépare neuf mois à l’avance. Pour le cocktail face au coucher de soleil, le dîner sous la tente dressée sur les courts de tennis et l’after party près de la piscine, la chorégraphie est millimétrée ! Pour une fois, ce sont les stars de Hollywood qui assistent au spectacle. Sharon Stone se fraie un chemin dans les cuisines pour applaudir Arnaud Poëtte et ses brigades ; Matt Damon, Brad Pitt et George Clooney profitent de l’ambiance du bar le Bellini. Au petit matin, Leonardo DiCaprio prend le café seul, devant le panorama de l’Esterel et des îles de Lérins. « C’est exceptionnel, n’est-ce pas ? » ose Philippe Perd. L’acteur oscarisé sourit : « Pourquoi croyez-vous que je reviens à chaque fois ? » Cette année, la pandémie bouleverse de nouveau le calendrier. Pour l’instant, le Festival a été reporté à juillet, le cœur de la saison. « Nous sommes très déçus, confie le directeur, car nous ne pourrons pas accueillir l’AmfAR… » Il se console en songeant à l’édition 2022. Voir loin, c’est le secret d’une institution qui résiste au temps.  Arthur Loustalot

Paris Match présente « Eden-Roc… Forever »
Nos photographes ne pouvaient pas manquer la rencontre des plus grandes stars avec ce cadre de légende. Une exposition
de 22 tirages d’art signés et numérotés est à découvrir à l’Hôtel du Cap-Eden-Roc à partir du 20 mai, jusqu’en octobre 2021.

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