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Moi JEune, des sports en rose et bleu : «J'aurais tellement aimé être boxeuse» - Libération

Zone d'expression prioritaire

Moi JEune, des sports en rose et bleu : «J’aurais tellement aimé être boxeuse»

Ne pas devenir «trop musclée», ne pratiquer que des «sports de meufs»… trois jeunes filles expliquent comment elles doivent naviguer entre leurs envies et les injonctions parentales, sous les regards insistants des garçons de leur âge.
publié aujourd'hui à 4h31

En publiant ces témoignages, Libération poursuit son aventure éditoriale avec la Zone d’expression prioritaire, média participatif qui donne à entendre la parole des jeunes dans toute leur diversité et sur tous les sujets qui les concernent. Ces récits, à découvrir aussi sur Zep. media, dressent un panorama inédit des jeunes en France. Retrouvez les précédentes publications.

«Mon frère a été forcé de s’inscrire en club de foot»

Nyota, 20 ans, étudiante, Noisiel (Seine-et-Marne)

«Papa, Maman, je veux faire du judo !

― Non ma fille, c’est trop physique pour toi.

— Papa, maman, je veux faire du judo !

— Vas-y mon garçon, Teddy Riner est en toi !

— Papa, maman, je veux faire de la boxe !

— Non ma petite, fais de la gymnastique, c’est plus gracieux.

— Papa, maman, je veux faire de la boxe !

— Très bonne initiative fiston.

— Papa, maman, vous connaissez Clarisse Agbegnenou, Myriam Lamare ou Eugénie Le Sommer ?

— Oui ma fille, ce sont de grandes sportives !

— Alors pourquoi pas moi ?

«Je suis l’aînée d’une fratrie de trois enfants. Mon petit frère de 11 ans, c’était le “sportif” de la famille. Pourtant, il n’a jamais été fan d’aucun sport. Sa “carrière”, comme mon père dit, a débuté assez tard. A ses 10 ans, il a été forcé de s’inscrire en club de foot. Malgré ses cris et ses pleurs, il a fini par s’y résoudre. Moi, depuis que je suis toute petite, mon agilité, ma rapidité, ma force, mon énergie sont prépondérants. En boxe, foot ou judo, je ne loupais pas une occasion de foncer ! Mais lorsque mon frère jouait au city stade d’en bas avec ses potes, moi je travaillais. Je devais rester réviser mes cours. J’étais destinée à être une femme de bureau. Dans ma famille, c’est un flex [une compétence très valorisée, ndlr] ! Le métier d’excellence pour une fille comme moi qui était bonne à l’école. L’image même de la stabilité financière. Comme dit mon père : “Avec ce taf, tu trouveras un mari facilement !” Alors une carrière de boxeuse ou de judoka, c’était mort dans le game ! J’aurais tellement aimé être boxeuse… Aujourd’hui, j’ai 20 ans et mon frère, 18 ans. Je suis une jeune femme ronde et fière de l’être. Mon frère étudie pour devenir comptable. Il joue encore en club de foot, mais sa carrière sportive n’a pas décollé. Et le discours de mes parents est bien différent. Il y a peu, mon père m’a regardée et m’a dit : “Ma fille, tu manges trop. Tu dois faire du sport. Inscris-toi à un club, sinon tu ne trouveras jamais un mari !”»

Interdite de «sports de gars»

Amy, 18 ans, étudiante, Melun (Seine-et-Marne)

«Mon rêve, à la base, c’est d’être une championne. Me surpasser pour me dire : “Tu l’as fait !” Le principal obstacle, ce sont mes parents. A chaque fois que l’on parle de sport, ils me disent que je n’ai pas le temps à cause des cours ou bien que je vais ressembler à un garçon. Ils ont une vision du sport tellement différente de la mienne ! Je viens de Côte-d’Ivoire où les femmes sont plutôt rondes, avec de belles formes. Chez nous, une femme “chargée” (grosses fesses et grosse poitrine) est synonyme de bonne alimentation et de bonne santé, et une femme maigre est une personne pauvre et mal nourrie. Je suis la seule de ma famille à ne pas avoir le physique adéquat : je suis toute maigre et toute petite. J’ai toujours été complexée par mon corps et par certains commentaires à son sujet.

«Les seuls sports que je peux pratiquer, ce sont ceux que mes parents qualifient de “sports de meufs” comme la danse ou la natation. Des sports dans lesquels je me sens mal à l’aise et moins douée que la plupart des autres filles. En terminale, quand on était en danse contemporaine, elles se débrouillaient toutes bien et faisaient les mouvements. Moi, je me forçais. J’avais aussi basket au bac. C’était le contraire de la danse. Si on me faisait des remarques en danse, je me renfermais, alors qu’en basket ça me passait par-dessus la tête. Je me sentais bien. J’étais même trop dynamique ! En fait, le foot, le basket ou encore l’athlétisme, c’est vraiment moi. Vous savez, les “sports de gars”.

«Quand j’étais enfant, mon père me laissait faire, parce qu’à ce moment-là on s’en foutait de mon apparence. On allait souvent jouer au foot avec des gars des HLM. Il me faisait des compliments et il m’encourageait. Etant donné que je cours très vite, j’ai voulu mettre mon talent en avant en faisant de l’athlétisme. Mais mes parents m’ont dit : “C’est un sport de garçon, tu seras trop musclée.” J’ai évidemment respecté leur choix.

«Cette année, j’ai eu 18 ans et je suis allée à la salle sans le dire à ma mère. Le soir en rentrant, je lui ai avoué. Je m’attendais à ce qu’elle me crie dessus. Et en fait, elle m’a proposé d’y aller avec elle. J’ai été surprise et soulagée. Ça aurait été compliqué d’y aller en cachette. Dans quelque temps, je sens que je vais commencer à avoir le physique que je veux. Celui dans lequel je me sens à l’aise. Parce que j’ai décidé d’être autonome, libre de mes propres choix.»

«J’aimerais aller à la piscine sans les garçons»

Manon, 17 ans, lycéenne, Franconville (Val-d’Oise)

«“T’es bonne, t’as des grosses fesses et des gros seins.” Je suis choquée quand j’entends ces mots. Je viens à la piscine pour nager et, à 16 ans, on me dit ça. C’est pourtant cool la piscine. On est entre potes, mais la présence des garçons nous gêne. Leurs regards surtout sur nos formes, leur esprit mal placé. J’ai juste envie de leur dire d’arrêter. Ils se permettent aussi des réflexions comme : “Elle est bonne, faut la gérer”, “Elle, elle est plate comme un mur.” Ils me font détester la piscine alors que j’aime bien y aller pendant les vacances avec mes copines. Dès que les mecs discutent entre potes, t’as l’impression que ça parle de toi. Je n’ai pas envie d’entendre ce genre de choses. Mais même les regards sont suffisants pour savoir ce qu’ils pensent. Alors, souvent, je trouve des excuses pour ne pas y aller. Je dis que je suis malade ou que j’ai mes règles. C’est moi qui fais le mot à la place de mes parents. Et ça passe. Faut juste imiter la signature, c’est tout. Dans mon monde idéal, j’aimerais aller à la piscine sans les garçons. Je serais plus à l’aise et je ne douterais pas de moi.»

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